Le ministre de la Santé, Christian Dubé, annonce sa démission

La Presse Canadienne | 18 décembre 2025 | 14:50
Le ministre de la Santé, Christian Dubé, à l'Assemblée nationale, le vendredi 12 décembre 2025. (LA PRESSE CANADIENNE/Jacques Boissinot)

Coup dur pour le gouvernement Legault: Christian Dubé démissionne de ses fonctions de ministre de la Santé et claque la porte de la Coalition avenir Québec (CAQ). Il demeurera député indépendant de La Prairie.

Dans un long message publié sur les réseaux sociaux jeudi, M. Dubé critique notamment l’entente de principe conclue avec la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ).

Il déplore qu’elle «maintienne sensiblement le statu quo sur les enjeux de gouvernance entre le gouvernement, la FMOQ et les directeurs médicaux» que sa loi 2 cherchait à réformer.

Rappelons que l’entente de principe avec les médecins de famille, qui a été pilotée par le premier ministre François Legault, abandonne des pans entiers de la controversée loi 2 de Christian Dubé.

L’adoption de cette loi sous bâillon en octobre avait semé la panique dans le réseau de la santé. D’ailleurs, Christian Dubé reconnaît aujourd’hui que lui et son gouvernement ont «commis des erreurs».

«Le ton adopté au début des discussions n’a pas toujours favorisé un échange constructif avec les médecins», concède-t-il. De plus, «nous n’avons pas toujours su vulgariser clairement les objectifs de la loi 2.»

Du même souffle, il blâme aussi les fédérations médicales, qui ont «surtout travaillé à défendre leurs propres intérêts plutôt que d’aborder tous les enjeux touchant les patients et les médecins».

«Après mûre réflexion, (…) je suis arrivé à la conclusion que je ne suis plus la bonne personne pour poursuivre ces discussions et piloter la réécriture de la loi 2. (…) C’est une décision difficile que je prends pour le bien des patients, des médecins et du réseau de la santé.»

Dans son message, M. Dubé précise qu’il continuera de représenter ses concitoyens de La Prairie à titre de député indépendant. Il avait déjà annoncé qu’il ne se représenterait pas au prochain scrutin.

En quittant ses fonctions, Christian Dubé devient le neuvième député indépendant à l’Assemblée nationale. Il rejoint son ex-collègue Lionel Carmant, qui a lui aussi renoncé à son poste de ministre dans la foulée de l’adoption de la loi 2.

Oppositions, fédérations et syndicats réagissent

Les réactions au départ de M. Dubé, un poids lourd du gouvernement, ont fusé jeudi après-midi, à commencer par celle du premier ministre.

«Christian Dubé m’a informé à 14 h aujourd’hui de sa décision de démissionner. (…) Je respecte sa décision et j’ai accepté sa démission. Je le remercie pour ses années de services publics dans une des fonctions les plus exigeantes au Québec», a déclaré M. Legault.

«Après l’adoption de la mauvaise loi 2, (…) il était cohérent pour lui de quitter son poste», a réagi le porte-parole libéral en santé, Marc Tanguay.

«Pour François Legault, cet ultime départ constitue une preuve supplémentaire de l’échec de sa ligne dure, bagarreuse et hargneuse des derniers mois», a également déclaré Guillaume Cliche-Rivard, de Québec solidaire. 

«L’automne aura été marqué par un psychodrame inventé de toutes pièces par la CAQ où des milliers de Québécois risquaient de se retrouver sans médecin: c’est inacceptable. Le départ du caucus de Christian Dubé représente un autre échec, très dur cette fois, pour le premier ministre», a-t-il renchéri.

«Pour ceux qui doutaient encore que la CAQ avait capitulé sur toute la ligne face aux médecins, la décision de M. Dubé offre la confirmation la plus éclatante du désaveu du premier ministre Legault», a soutenu pour sa part le porte-parole péquiste en santé, Joël Arseneau.

«Nous avons eu de nombreux différends depuis cinq ans, mais je reconnais son intégrité de partir parce qu’il n’a pu accomplir les objectifs qu’il s’était fixés», a ajouté le député indépendant Vincent Marissal.

De leur côté, les fédérations médicales, qui ont eu maille à partir avec le ministre, sont restées sobres dans leurs commentaires.

«Au-delà de la politique, il y a l’être humain. Nous souhaitons bonne chance à Christian Dubé pour la suite», a réagi la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ).

«Par respect pour le vote en cours sur l’entente de principe et pour nos membres encore en réflexion à ce sujet, la FMOQ ne formulera aucun commentaire aujourd’hui», a écrit la FMOQ.

«Nous prenons acte de sa décision et tenons à le remercier pour l’important travail accompli», a déclaré pour sa part l’agence Santé Québec.

Le Collège des médecins, lui, a tenu ces propos: «Nous réaffirmons notre volonté de travailler avec la personne qui lui succédera afin de poursuivre les efforts nécessaires pour bâtir un système de santé encore plus accessible, efficace et humain.»

De nombreux syndicats ont aussi réagi à la démission de Christian Dubé. 

Ce dernier a posé un «geste de responsabilité», a affirmé l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS). 

Toutefois, sa démission «illustre aussi les limites des réformes menées sans s’attaquer au sous-financement chronique du réseau», a écrit le syndicat.

«La démission du ministre soulève de sérieuses inquiétudes pour la suite des choses. (…) Le réseau de la santé ne peut se permettre une période prolongée d’instabilité», a noté la présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), Julie Bouchard.

«La FIQ retient de cette démission un constat clair: le climat s’est détérioré dans le réseau et les façons de faire ont fragilisé la confiance, tant chez les professionnelles en soins que chez d’autres acteurs du système», a-t-elle ajouté.

Une deuxième démission pour Dubé

Issu du monde des affaires, Christian Dubé a commencé sa carrière politique sous la bannière de la CAQ en étant élu pour la première fois aux élections de 2012, à titre de député de Lévis, lorsque le parti formera la deuxième opposition en Chambre.

Réélu en avril 2014, alors que son parti est encore relégué à la deuxième opposition, il démissionnera toutefois à peine quelques mois plus tard, en août, pour devenir premier vice-président de la Caisse de dépôt et de placement du Québec.

Mais lorsque la CAQ frappe aux portes du pouvoir en 2018, il revient alors en politique et fait de nouveau le saut au côté de François Legault, qui formera son premier gouvernement en octobre 2018. Élu député de La Prairie, M. Dubé devient alors président du Conseil du trésor.

En 2020, en pleine pandémie, M. Legault remanie son cabinet et c’est alors que Christian Dubé devient ministre de la Santé. Réélu au scrutin de 2022, il est reconduit par François Legault à son poste de ministre de la Santé.